L'Ancien Testament présente certainement son lot de miracles, des buissons ardents aux humains se transformant en piliers de sel. Mais parmi les moments clairement mythologiques de la Bible, certains sont moins clairs. Considérez les vers frappants de Josué 10:12, lorsque le chef hébreu Josué convoqua les Israélites au combat à Canaan: «Et il dit devant Israël: O soleil, reste immobile à Gabaon, et O lune dans la vallée d'Aijalon. ' Le soleil s'est arrêté, et la lune s'est arrêtée, jusqu'à ce que la nation se soit vengée de ses ennemis. "
Pour le physicien Sir Colin Humphreys et l'astrophysicien Graeme Waddington, ce passage suggère plus que de la fantaisie ou de l'hyperbole. "Si ces mots décrivent une observation réelle", ils spéculent dans un nouvel article, publié dans Astrophysics and Geosciences, "alors un événement astronomique majeur a été rapporté." Et si une éclipse solaire avait effectivement eu lieu le 30 octobre 1207 av. - comme ils le concluent dans leur article -, cela aurait des répercussions importantes sur les domaines de l'astronomie, de l'égyptologie et de l'histoire biblique.
Mais comment deux physiciens s’imposent-ils pour tester un événement qui n’est évoqué que de manière oblique dans un texte ancien? Pour résoudre ce mystère multidisciplinaire, il a fallu faire une incursion dans l'hébreu ancien, repenser l'histoire royale d'Égypte et effectuer des calculs complexes concernant la rotation de la Terre.
L'enquête a commencé par la traduction du mot hébreu «dôm». Dans les versions anglaises de la Bible, il est généralement traduit par «arrêté», alors que dans le soleil «ne bouge plus». Dans les anciennes langues sémitiques, Humphreys se demandait si cela pouvait signifier que le soleil «cessait de briller » - ce qui pourrait laisser supposer une éclipse.
En fait, un autre linguiste nommé Robert Wilson était parvenu à la même conclusion près de 100 ans plus tôt. Et tandis que de précédents scientifiques avaient tenté de trouver des éclipses solaires pour cette période et avaient échoué, ils n'avaient jamais pensé à rechercher une éclipse annulaire, ce qui se produit lorsque la lune ne recouvre que partiellement le soleil, laissant un anneau de lumière visible sur les bords. "Cela m'a convaincu que" éclipse "était la bonne traduction", dit Humphreys.
Juste pour être en sécurité, Humphreys cherchait à confirmer que les Israélites étaient vraiment à Canaan à l'époque d'une supposée éclipse. Il a mis en correspondance l'Ancien Testament avec un texte égyptien: la stèle de Merneptah, une inscription géante en pierre réalisée sous le pharaon égyptien Merneptah. On pense également qu'il s'agit de la première référence textuelle à Israël. Les spécialistes pensent que les dernières lignes de hiéroglyphes font référence à une bataille avec les Israélites à Canaan.
La tâche finale était potentiellement la plus difficile: calculer le moment exact de l'éclipse. Cela nécessiterait un peu de travail de détective géologique et astronomique.
«En remontant dans le passé, vous devez prendre en compte le fait que la Terre tournait plus vite qu’aujourd’hui», déclare Humphreys. Il existe une myriade de facteurs qui déterminent la diminution progressive de la vitesse de rotation de la Terre, mais les trois plus importants sont les frottements de marée (résistance de l'eau en mouvement autour de la planète), la distance de la Terre à la Lune (c'est vrai, la Lune s'éloigne de nous, comme un chien en laisse extensible) et la forme de la Terre. Lorsque les calottes glaciaires s'étendent sur l'hémisphère nord, la Terre avait une forme différente, donc elle tournait différemment. Toutes ces variables doivent être intégrées dans toute équation qui tente de prédire une éclipse passée.
"Il est difficile [de calculer] plus on avance en arrière", déclare Lauri Jetsu, astrophysicien à l'Université d'Helsinki, qui avait écrit un article sur la manière dont les anciens Égyptiens utilisaient un système d'étoiles binaires pour créer des calendriers mais ne participaient pas au nouvelle recherche. Mais, ajoute Jetsu, si Waddington et Humphreys parviennent à indiquer la date de cette éclipse avec une marge d'erreur assez petite, cela signifie que nous disposons d'un point de données sur la vitesse de rotation de la Terre qui remonte plus loin que tout ce qui a été fait auparavant.
Les scientifiques n'ont toujours pas de liste définitive de toutes les variables qui affectent la vitesse de rotation de la Terre, explique John Dvorak, géophysicien et auteur de Mask of the Sun: la science, l'histoire et le savoir oublié des éclipses . Si les nouvelles découvertes s'avèrent exactes, le présent document pourrait ajouter une autre donnée cruciale. "Le journal m'a surpris, mais je ne devrais pas l'être." Dit Dvorak. "Cela rappelle que même l'ancienne étude des éclipses change avec le temps."
En effet, les humains se tournent vers le ciel à la recherche de réponses et de présages depuis des milliers d'années. Les Babyloniens ont créé des rituels pour les éclipses, tandis que d'anciens astronomes indiens ont interprété le soleil disparaissant comme un signe que les dieux étaient en difficulté, rapporte Maya Wei-Haas pour Smithsonian.com. Et bien que les Égyptiens n'aient laissé aucune trace d'éclipses, cela ne signifie pas qu'ils ne les ont pas observées.
«Les Égyptiens ont vénéré certaines des planètes et des étoiles en tant que dieux», dit Jetsu. "Ils ont utilisé des légendes pour décrire le phénomène céleste, ils ne les auraient pas décrits directement."
Les éclipses ont également façonné les événements humains, déclare Duncan Steel, auteur de Eclipse: Le phénomène céleste qui a changé le cours de l'histoire . «Historiquement, ils ont joué un rôle crucial dans le choix des batailles», y compris l’éclipse de 585 av. J.-C. qui a mis fin à une bataille entre les Mèdes et les Lydiens; Le philosophe grec Thalès avait prédit l’apparition de l’éclipse et, lorsque la nuit tomba, les belligérants la percevaient comme un présage et se dépêchaient de parvenir à un accord pacifique.
Les recherches menées par Humphreys et Waddington ajoutent clairement au domaine de l'astronomie. Peut-être plus remarquablement, il fournit également de nouvelles données pour les domaines de l'égyptologie et des études hébraïques. «Je pense que les traductions modernes de la Bible devraient vraiment dire que le soleil a été éclipsé», dit Humphreys. "Et je pense que cela devrait modifier les manuels d'histoire et d'égyptologie."
Les changements dans l'histoire égyptienne suggérés par Humphreys concernent la période au pouvoir de chaque pharaon, y compris Merneptah, pendant le règne de laquelle la stèle de Merneptah a été sculptée. Merneptah était le fils de Ramsès le Grand, l'un des pharaons les plus célèbres d'Egypte, et il y a eu de nombreux débats au cours des années sur le moment où Ramsès était au pouvoir. Avec la combinaison d'une date de l'éclipse solaire et de la gravure de la stèle, Humphreys et Waddington ont proposé des années pour le règne des pharaons qui réduisent la précision à plus ou moins une année. Ils soutiennent que Ramsès le Grand a régné de 1276 à 1210 av. J.-C., tandis que Merneptah était au pouvoir de 1210 à 1200 av.
Humphreys reconnaît qu'il n'est pas un érudit biblique, un astrophysicien ou un égyptologue. Pourtant, il soutient qu'être un scientifique extérieur et s'appuyer sur les connaissances des initiés peut en réalité ouvrir de nouvelles pistes d'enquête. Dans le passé, il a écrit sur l'utilisation d'observations astronomiques pour dater la crucifixion de Jésus-Christ et expliquer l'étoile de Bethléem qui apparaît dans la Bible comme un marqueur du lieu de naissance de Jésus.
Compte tenu de la portée culturelle et scientifique des événements sur lesquels il se penche, il anticipe un certain recul de cette dernière découverte. Cela ne signifie pas qu'il a l'intention de cesser d'enquêter.
«Dans les écrits anciens, la Bible ou l'écriture égyptienne, vous obtenez des traces d'événements étranges dans le ciel. La première chose à faire est de supposer que ce sont des documents authentiques et de les étudier », dit Humphreys. "Vous ne devriez pas en venir à dire que c'est un mythe sans d'abord le regarder."
