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Silhouettes substantielles

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Les limites de la silhouette sembleraient gêner ses capacités de communication en tant que moyen artistique. Il n'y a qu'un contour ombré. Au mieux, vous pouvez identifier ce que vous voyez - le profil d'une personne ou la forme d'un objet - mais il n'y a aucun moyen de transmettre clairement une expression ou une émotion avec ces découpes. Au lieu de cela, un artiste ne peut que transmettre une action physique.

Le travail de Kara Walker va à l'encontre de toutes ces restrictions. Son émission au Whitney - Kara Walker: Mon complément, mon ennemi, mon oppresseur, mon amour - révèle à quel point une silhouette peut être subversive et dérangeante. Se concentrant sur les récits inédits des Afro-Américains du Sud, le travail de Walker fait la satire de la race, du genre et de la sexualité.

Telle une frise antique, "Gone, un roman historique d'une guerre civile telle qu'elle s'est déroulée entre les cuisses sombres d'une jeune négresse et son cœur" s'étend sur une distance de 15 mètres, occupant les murs d'une galerie entière. Le regard du spectateur passe d'abord sur les formes, sans vraiment identifier les actions macabres et dérangeantes: un gentleman bien habillé vole un baiser à une fille alors qu'un jeune enfant présente une oie étranglée pour une femme allongée sur le dos. La tête et les bras d'un personnage masculin disparaissent sous la jupe d'une femme, ses jambes et ses bras violemment évasés.

Scatologique, fantaisiste mais violente et confessionnelle, le travail de Walker est démenti par le médium banal qu’elle a choisi. En soulignant le fossé entre ce qui est vu et non vu, les horreurs que cachent ses ombres prennent la même substance bien trop réelle de cauchemars.

Crédit photo: Kara Walker, Cut (Wikipedia)

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