Le comptage a tendance à être à la base de toute étude écologique. Il est essentiel de savoir combien d'animaux et de quels types vivent dans un habitat particulier pour comprendre les relations entre eux. Ces connaissances permettent également aux scientifiques de quantifier l'évolution des populations de certaines espèces au fil du temps et d'extrapoler la manière dont un environnement et les espèces qui le composent peuvent évoluer à l'avenir. Ceci est particulièrement important pour déterminer si les efforts de gestion ou de conservation doivent être ajustés.
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Trouver combien d'animaux existent dans un endroit particulier varie toutefois en difficulté. Pour les créatures vivant dans l'océan, cette tâche devient encore plus ardue, vu la taille de l'océan et sa capacité à dissimuler les animaux dans ses profondeurs. Même les énormes mammifères tels que les baleines, qui passent une grande partie de leur temps à la surface de l'océan, sont difficiles à dénombrer. Souvent, les dénombrements se limitent à une seule personne debout sur la terre ou sur une plate-forme de navire avec une paire de jumelles, ou survolant un avion à bord d'un petit avion, faisant de son mieux pour repérer les baleines insaisissables.
"Les populations de baleines ont toujours été difficiles à évaluer", a déclaré Peter Fretwell, chercheur au British Antarctic Survey, dans un communiqué. "Les moyens traditionnels de les compter sont localisés, coûteux et manquent de précision."
Mais que se passerait-il si cette tâche pouvait au contraire être automatisée et menée sur une grande surface de l’océan en même temps?
Fretwell et ses collègues du Survey ont réalisé que, du moins pour les baleines, des images satellitaires à très haute résolution pourraient constituer un raccourci utile pour compter ces animaux. Bien que quelques études antérieures aient utilisé les satellites comme possibilité de surveiller les baleines, ces efforts n'ont pas donné beaucoup de succès, principalement parce que les images n'étaient pas très raffinées. Cependant, selon l'équipe, les progrès récents en termes de résolution et de précision de l'imagerie pourraient suffire à faire de nouvelles tentatives d'arpentage un succès.
Ils ont décidé de mettre cette idée à l’essai dans une baie au large de la péninsule Valdes, en Argentine, où les baleines franches du sud se rassemblent pour se reproduire. Grâce à l'interdiction de la chasse à la baleine, le nombre d'animaux en voie de disparition semble augmenter, mais personne ne connaît la taille réelle de la population de baleines.
Dans une étude publiée aujourd'hui dans PLoS One, les chercheurs ont analysé une seule image prise par WorldView2, un satellite capable d'imager à très haute résolution. L’image WorldView2 qu’ils ont acquise a permis d’observer une zone océanique de 40 km 2 et de fournir des images qui pénètrent plus profondément dans la colonne d’eau que d’autres satellites actuellement déployés. L'image a été décomposée en huit bandes de couleurs avec une résolution au sol d'environ deux mètres par pixel et une bande panchromatique avec une résolution au sol de 50 centimètres.
Pour repérer les baleines, l’équipe a d’abord étudié les images manuellement, puis a utilisé un logiciel de traitement d’images utilisant un algorithme de reconnaissance des baleines. Le logiciel et les chercheurs ont limité le nombre de baleines potentielles en posant trois questions: est-ce que la taille et la forme d'une baleine sont appropriées? Est-ce dans un endroit où l'on s'attend à ce qu'une baleine soit? Y a-t-il d'autres objets qui flottent ou un flou sur l'image qui pourrait signifier que ce qui ressemble à une baleine n'est en réalité que des bulles, un rocher ou des oiseaux?
À partir de ces images, les chercheurs ont identifié à la main ce qu’ils étaient presque certains de 55 baleines et de 23 autres objets qu’ils soupçonnaient être des baleines. Ils ont également repéré 13 autres baleines possibles sous la surface. Ils ont trouvé les meilleurs résultats pour repérer ces baleines cachées cachées sous les ondes dans la cinquième bande du satellite, à l'extrémité violette du spectre lumineux (400 à 450 nanomètres).
Une baleine noire vue sous différentes longueurs d'onde de la lumière capturée par le satellite WorldView2. (Photo: Fretwell et al., PLoS One)L'ordinateur a réussi à identifier 89% des baleines que les chercheurs avaient localisées à la main dans les images. Cependant, l'ordinateur affichait un taux de faux positifs de 24%, ce qui signifie qu'il classait les objets comme des baleines que les chercheurs ont déterminé comme n'étant pas des baleines, telles que des bateaux. L'idée est d'améliorer éventuellement la précision de cet algorithme, de manière à ce que les enquêtes sur les baleines soient presque automatisées.
Cette étude est un travail de validation de principe, qui introduit une nouvelle méthode potentielle. L’équipe souligne qu’elle devra toujours effectuer des enquêtes sur le terrain pour déterminer si les satellites manquent des baleines, ou risquent de chercher à détecter ou non certaines baleines par rapport à d’autres (par exemple, les mères avec des veaux apparaissent parfois un blob déroutant plutôt que des contours distincts de baleines). Des comparaisons sur le terrain de ce qui ressemble à une baleine dans une image satellite à ce qui nage réellement dans l'océan vont valider davantage la méthode.
«Le prochain défi consiste à déterminer les probabilités de détection et à déterminer si le nombre d'images peut être utilisé comme un indice fiable de la taille ou de la présence de la population», écrivent les auteurs. «Ce document montre que l’analyse automatisée d’images satellitaires peut bien concorder avec les comptages manuels, mais il reste encore beaucoup à faire pour s’assurer que ces comptages manuels correspondent au nombre réel de baleines de surface.»
Avoir plusieurs images satellites prises successivement pourrait aider à identifier ce qui est vraiment une baleine et ce qui est un rocher stationnaire ou une onde dissipante, ajoutent-ils. Ils écrivent également que la méthode fonctionne mieux dans des eaux calmes et sans vagues, ce qui, pour le moment, limite son applicabilité. En outre, il est utile de savoir où se trouvent probablement les baleines, comme dans l’étude de cas présentée dans le document.
Si la méthode s'avère viable, les auteurs pensent qu'elle pourrait être utilisée non seulement pour aider à estimer et surveiller les populations de baleines noires, mais également pour dénombrer d'autres espèces de baleines. Selon les chercheurs, à mesure que des images satellitaires de meilleure qualité deviendront disponibles à l'avenir, les levés spatiaux des baleines deviendront un outil encore plus précis et utile.